Le Ragas et sa grille
C’est une grande fissure ovale tourmentée et tordue au flanc d’une montagne à pic. C’est d’un grand aspect, un grand accident dans un grand cadre. On est de plain-pied dans une sorte d’amphithéâtre irrégulier, impasse de montagne, et on a autour de soi les cimes toutes droites, toutes dentelées, s’appuyant sur des pentes raides couvertes de beaux buissons et de massifs d’arbres. À droite une dent superbe au premier plan, plus loin d’autres dents plus haut perchées. Derrière soi, la gorge qu’on vient de franchir tournant brusquement et formant encore une verticale grandiose. On ne peut pas voir le fond du gouffre. C’est un puits gigantesque que l’on a pourtant mesuré, des échelles descendent jusqu’au niveau de l’eau qui dans son état normal a dit-on 20 mètres de profondeur. Quand il a plu deux jours abondamment, l’abîme se remplit et l’eau arrive à s’échapper par la fissure. Elle y arrive en telle abondance et si violente qu’elle soulève et emporte des blocs énormes. Le meunier qui m’a servi de guide assure même qu’elle les apporte du fond du gouffre. Elle se précipite dans la gorge que nous avons franchie et va rejoindre la Dardenne. Mais le phénomène se produit rarement et presque jamais hors de l’hiver.
George Sand, Agenda-journal 14 mai 1861
Prenons un sentier escarpé, montons encore, regarde, un abîme se creuse à chacun de nos pas ; montons, montons toujours : Bientôt un décor de théâtre, plus saisissant peut-être que celui de la Nuit de Valpurgis dans le chef d’œuvre de Gounod, apparaît à nos regards. Au sein d’un quadrilatère entouré de quatre pics gigantesques, à travers un amoncellement de pierres et de rocs vomis pêle-mêle par le torrent et aux flancs d’une montagne latérale, une caverne aux voûtes granitiques, trou béant et sans fond, se montre tout-à-coup comme une bouche de l’Enfer. Ce gouffre, réceptacle des eaux pluviales dote, depuis un temps immémorial, la ville de Toulon d’une eau potable sans rivale, et est connu sous le nom peu expressif de « trou du Ragas ». Les rares et audacieux visiteurs de cette bouche infernale ont, pendant la saison sèche, pu constater à une certaine profondeur, le bruit assourdi du passage d’une rivière souterraine, roulant sous des envoûtements rocheux. C’est seulement pendant l’hiver que ces masses liquides mugissent, bouillonnent et bondissent furieuses hors de l’abîme. Spectacle stupéfiant, grandiose, majestueux ! Ne trouvant plus une issue suffisante, elles surgissent en grondant et regorgent avec fracas dans le lit de la rivière pour traverser ensuite la vallée que nous venons de décrire et de parcourir au pas de charge.
Paul Mangin . Toulon et ses environs - Guide littéraire illustré - 1893
Plus haut que la Foux, à environ trois quarts d'heure, se trouve un trou d'environ deux mètres de diamètre que l'on nomme le Ragage et qui lors des grandes pluies laisse sortir de son sein de l'eau de la grosseur d'un bœuf, et c'est en vain que l'on a cherché à en connaître la profondeur. Lorsque l'eau arrive à son orifice, elle le fait de manière à former des cascades effrayantes, dont les bas-fonds sont victimes, et forme une rivière qui, au Jonquet, perd le nom de Dardennes et prend le nom de rivière Neuve.
Joseph Auzende, Guide du botaniste aux environs de Toulon, écrit entre 1854 et 1860
0 comments
Add a comment